Les premières photographies taurines
Les pionniers de la photographie ont-ils songé à utiliser les tauromachies et leurs acteurs pour réaliser leurs premières oeuvres? Parmi les portraits créés par Nadar et ses disciples, y a-t-il eu des toreros? Existe-t-il des daguerréotypes représentant des acteurs ou des spectateurs de scènes taurines? Des recherches et des études accompagnées de publications permettent de répondre par l’affirmative.
Dès 1850 sont réalisés des portraits de toreros et apparaissent les premières représentations photographiques de la lidia, qui sont soit les oeuvres de photographes espagnols, soit celles de voyageurs ou d’individus attirés par l’Espagne et sa culture.
Certes les scènes qui ont pu être photographiées à cette époque étaient statiques, car les temps de pause étaient beaucoup trop longs pour pouvoir espérer photographier le mouvement avec une netteté satisfaisante, mais il est permis d’imaginer une chambre posée dans un « patio de caballo » et un disciple de Daguerre réaliser la plaque unique d’un portrait de groupe. Nous n’avons cependant essentiellement quelques portraits réalisés en studio. Parmi ces tous premiers pionniers de la photographie taurine, un nom se détache, celui d’un français installé en Espagne: Jean Laurent qui ouvre à Madrid un atelier de photographie en 1856. A partir de ce moment là il réalise de nombreuses photos ayant pour thème la tauromachie, partie importante de son travail, hélas rarement mentionnée par les articles généralistes le concernant.
Les premières photographies taurines dont je dispose personnellement datent de la fin du 19ème, une époque donc où le procédé photographique a déjà connu des améliorations permettant de fixer sur des négatifs des évènements et de démocratiser le portrait. La photo commence alors à devenir un moyen de découvrir et de transmettre des images de façon quasi-universelle.
Un des premiers daguerréotypes à sujet taurin. Portrait de Jose Redondo “Chiclanero” daté de vers 1850. Anonyme. Cossio tome IV
Une des toutes premières photos ou daguerréotypes réalisés dans une plaza de toros.
Luis Leon Masson. Début des années 1850. Historia de la fotografia taurina.
Jose Campos « Cara Hancha » devant un décor peint représentant une arène, donc photo réalisée en studio par, probablement, un photographe professionnel, mais inconnu. Mention au dos d’une date le 7 juin 1891 ou 97. Collection personnelle.
La multiplication des prises de vue été favorisée par l’apparition de surfaces plus sensibles qui ont fait sentir le besoin d’avoir des obturateurs mécaniques. Une génération d’appareils ingénieux et spécialisés apparut alors mais tous étaient difficiles à utiliser, et ce n’est qu’à partir de 1888 que, grâce à George Eastman le premier appareil vraiment portatif va être à la disposition des amateurs : le Kodak. En plus l’arrivée en 1889 du film souple va faciliter encore plus la pratique de la photo et à partir de ce moment-là de nombreux amateurs passionnés vont investir tous les terrains et créer des images. Nul doute qu’il y a eu parmi eux des aficionados qui ont du réaliser les premières véritables photos taurines, mais bien peu d’épreuves semblent avoir été conservées et ont pu nous parvenir.
Inauguration des arènes du Plumaçon à Mont de Marsan en 1889. Paseo de la course inaugurale, couse hispano- landaise. Photographe anonyme, probablement amateur vu l’angle et l’emplacement de le prise de vue. Collection Laporterie. Le flou qui entoure les personnages en mouvement atteste de la lenteur de la vitesse d’obturation.
Après avoir, grâce aux progrès techniques, pu réaliser des photos de plus en plus nettes de sujets très mobiles, le photographe peut aujourd’hui travailler à des vitesses lentes pour en exploiter le rendu sur le plan artistique.
C’est l’apparition des impressions tirées de photographies qui va permettre une large diffusion des images photographiques. Si au début, dans les années 1890, ces photos imprimées présentent peu de détails, elles remplacent tout de même progressivement les reproductions par gravures sur bois essentiellement utilisées jusque-là dans l’illustration. L’illustration photographique dans la presse apparaît d’abord dans les pays anglo-saxons puis plus tardivement en France en 1902. Il est permis de penser, faute de connaissances précises, que l’Espagne connaît une situation comparable à celle de chez nous.
La une de SOL Y SOMBRA du 28 juillet 1910 avec un instantané d’un photographe nommé Moya. Machaquito est conduit à l’infirmerie. Plaza de Caudete le 17 juillet. Si les premières photos de reportage datent de la guerre de Crimée sous le second empire, ce n’est qu’à la fin du 19ème que la photo investit la presse et au début du 20ème la presse taurine.
Ce serait donc au cours de la première décennie du 20ème siècle que la photographie taurine, grâce surtout à quelques revues spécialisées, commencerait à être diffusée. Les toutes premières ont probablement été des portraits, puis des plans d’ensemble. A ses débuts il n’est pas question pour un auteur de photos taurines de rechercher « le » détail dont le photographe est friand aujourd’hui et qui se prête généralement bien à toutes sortes d’investigations artistiques sur lesquelles nous reviendrons.
Détails de costume avec épée. Photo impossible à réaliser à l’époque des débuts de la photographie taurine, avec des vitesses trop lentes et des surfaces à la sensibilité encore limitée, et sans téléobjectifs. Ils permettent de s’approcher du sujet, tout en pouvant utiliser une vitesse suffisamment rapide pour avoir le « piqué » nécessaire pour ce genre de cliché, cependant la lumière reste encore la principale clé de la réussite finale.
Voir aussi : http://www.michelvolle.com