Voici un siècle, en 1921, le peuple du taureau entra en résistance à Nîmes contre les attaques menées depuis Paris contre la tauromachie.
Ces attaques sur le terrain juridique étaient alors potentiellement dangereuses car la loi Grammont, même si elle n’avait pas été votée pour cela, permettait de pénaliser lourdement les acteurs et les organisateurs de corridas.
Sans le Marquis de Baroncelli qui entraîna derrière lui le peuple du taureau pour lever les tridents à Nîmes, peut-être les tauromachies n’auraient-elles pas survécu jusqu’à 1951, date à laquelle des députés girondins et landais obtinrent d’inclure dans la loi Grammont une exception culturelle en faveur des corridas dans leurs régions de tradition.
Depuis 20 ans, l’Observatoire et l’Union des Villes Taurines ont repris le flambeau pour défendre ce droit essentiel de pouvoir vivre et transmettre notre liberté culturelle aux jeunes générations.
En 2008 nous avons, dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, stoppé diverses interdictions potentielles.
En 2012, nous avons obtenu l’inscription de la tauromachie au patrimoine culturel immatériel français, plaçant ainsi celle-ci sous la protection de l’UNESCO.
En 2013, nous avons obtenu du Conseil Constitutionnel qu’il valide l’exception culturelle créée en 1951 à notre avantage.
En 2019, le Conseil d’État a jugé irrecevables des attaques portées contre les écoles taurines et a confirmé, ce que nous rappelons souvent, que les textes fondateurs de l’Union Européenne interdisent de faire prévaloir le légitime respect du bien-être animal sur les patrimoines et traditions culturelles ou cultuelles, nationales ou régionales.
Logiquement, au regard de ce statut juridique que nous avons opportunément rappelé où et quand cela était nécessaire, cette année, l’Assemblée Nationale a rejeté des propositions d’interdiction et le Sénat les a écartées à une écrasante majorité lors des discussions sur la loi de maltraitance animale.
Cette année aussi, l’ONCT et les Villes Taurines ont fait front contre les attaques de la SPA qui, comme il y a un siècle, prétendait obtenir l’interdiction devant les tribunaux, au nom d’une prétendue évolution sociétale.
À Bayonne, à Béziers, à Dax et bien sûr à Nîmes, la SPA a été déboutée.
À Dax, nous l’avons même fait condamner pour procédure abusive.
Plus solide qu’il ne le fut jamais, le statut juridique de la tauromachie est aujourd’hui incontestable.
Ces victoires sont le fruit d’une analyse pertinente des mouvements sociétaux auxquels nous assistons.
Les attaques ont changé de nature et nous avons heureusement su anticiper.
Le véritable danger provient aujourd’hui de deux idéologies mortifères pour la démocratie et la civilisation occidentale : l’anti spécisme, un anti humanisme qui prétend faire régresser l’homme au niveau des autres espèces, et le wokisme, monstrueuse volonté d’effacement de nos valeurs et de notre histoire, qui incarne les pulsions totalitaires de diverses minorités irrespectueuses du droit des peuples à préserver leur identité.
Dés 2016, nous avons identifié ces dangers et y avons fait front en organisant un colloque prémonitoire au Sénat au cours duquel, en y associant tous les acteurs de la ruralité, nous avons alerté les plus hautes autorités de l’État sur le conflit de civilisation qui fait rage aujourd’hui mais que personne n’avait encore identifié.
Cette même année 2016, nous avons initié la plateforme citoyenne Esprit du Sud qui, dans les Landes, le Gers, la Gironde, l’Hérault, les Bouches du Rhône et bientôt les Pyrénées Atlantiques, Orientales et l’Aude, regroupe les acteurs de la ruralité pour défendre ensemble nos cultures et nos filières.
Au macchartysme haineux de ceux qui veulent nous effacer au nom de notre supposé archaïsme, nous opposons le poids des mots et la force de nos convictions.
L’archaïque n’est ni de dépassé ni le désuet. Éthymologiquement c’est l’ancien, parfois oublié, parfois refoulé, mais toujours présent au travers des traditions et parfois du folklore, manifestations profanes de croyances et de rituel jadis sacrés.
La tradition est quant à elle la transmission d’éléments culturels très anciens, dont la tauromachie est sans doute la plus haute démonstration puisqu’elle remonte au néolitthique, quand le couple primordial de la civilisation méditerranéenne apparut en Anatolie : une déesse mère et un dieu taureau, incarnations respectives de la féminité féconde et de la virilité fertilisante redoutable qui étaient les valeurs essentielles des premières sociétés agricoles, berceau de la civilisation.
Oui, nous venons de loin, et le Marquis de Baroncelli, en grand érudit qu’il était, offrit au Midi une version moderne des grands mythes fondateurs de notre histoire en associant l’image de l’arlésienne et du gardian à celle du taureau tout en exaltant la beauté poétique de la langue d’Oc.
Au travers des reines d’Arles successives aujourd’hui réunies, ce sont les grandes déesses du passé que nous pouvons admirer. Vous êtes, nos majestés, le reflet de la Courotrophe cycladique dont le fils époux était en Crète le taureau, vénéré et sacrifié voici déjà 5000 ans lors de tauromachies rituelles, dont la chair et le sang étaient consommés par les fidèles et qui renaissait au printemps, apportant avec lui l’abondance et la vie au travers des moissons.
Quant aux gardians, gardiens immémoriaux des troupeaux saivages et descendants des cavaliers indo européens qui diffusèrent la civilisation de l’Indus à la Bretagne et jusqu’à Gibraltar, vous incarnez, aux côtés des toreros, les valeurs essentielles de notre civilisation dans laquelle le courage, l’honneur et le sens du partage, se démontrèrent toujours en affrontant le taureau.
Vous avez vos tridents pour défendre nos libertés, nous avons des capes d’or pour offrir un écrin à nos passions.
Au nom de lubies modernistes cultivées hors sol sur l’asphalte triste des villes, ce sont ces valeurs et ces croyances humanistes profondément enracinées dans notre Midi, que l’on prétend effacer en interdisant nos traditions.
La modernité, qui n’est rien d’autre qu’une transgression acculturée de notre glorieux passé, prétend nous déconstruire en nous privant de la liberté de rester fidèles à ce que nous sommes : gardians, éleveurs, toreros, aficionados. Un jour viendra où le costume de nos reines sera stigmatisé par cete même modernité comme la preuve infâmante de leur asservissement supposé au patriarcat forcément sexiste, spéciste et pourquoi pas racialiste que nous incarnons à ses yeux.
Soyons pourtant fiers de ce que nous sommes.
À Mont de Marsan, le 18 septembre dernier, nous fûmes plus de 20000 à revendiquer nos libertés régionales, comme nous sommes nombreux pour commémorer aujourd’hui à Nîmes la Levée des Tridents, rendre hommage au Marquis de Baroncelli, rappeler les fondements éthiques de notre civilisation et proclamer notre volonté inébranlable de ne pas y renoncer.
Cher Béranger Aubanel, sois fier d’être l’arrière petit-fils du Marquis et permets-moi d’affirmer que nous tous, ici rassemblés, sommes également fiers d’être aussi les héritiers de sa mémoire.
Lui qui fut le premier écologiste à se lever pour préserver la Camargue de la bétonnisation pourrait se reconnaître dans la foule de ceux qui sont venus lui rendre hommage.
Dans nos sociétés modernes la mort est devenue tabou et l’ancien est déconsidéré, aussi bien l’homme que ses traditions.
Pour nous, la parole des anciens est toujours respectée car elle est empreinte de sagesse et nous osons regarder la mort en face, voire la défier en affrontant le taureau, ce qui nous rend insupportables aux yeux de populations timorées auxquelles nous devons rappeler que nous sommes un conservatoire de leur propre passé au travers de nos traditions.
Le retour du tragique dans le quotidien de l’Occident renverra tôt ou tard les idéologies mortifères dans les poubelles de l’histoire.
Et les valeurs que nous portons redeviendront essentielles dans des sociétés privées de racines, car ce sont les traditions qui ont toujours structuré les peuples tandis que la modernité ne fait jamais que les fractionner.
Grâce à la solidarité qui nous unit, nous remporterons ensemble ce combat prondément humaniste.
La mémoire du Marquis nous oblige et nous saurons nous en montrer digne en transmettant à notre tour le flambeau.