Observatoire National des Cultures Taurines

Observatoire National
des Cultures Taurines

par Dominique Valmary

 

Le succès du film « The artist » a-t-il contribué à l’émergence de films muets au programme du cycle consacré en mai 2012 aux femmes de cinéma par la cinémathèque de Toulouse ? Au premier abord il est permis de le penser. Toutefois et même si c’est en partie le cas, l’histoire du 7° art vient relativiser cette influence factuelle et récente, en effet l’œuvre cinématographique essentielle produite par l’actrice Musidora et son réalisateur fétiche Louis Feuillade se suffit à elle-même pour représenter le cinéma du premier tiers du 20° siècle.

Parmi les 100 films de Musidora et les plus de 800 courts et moyens métrages réalisés par Louis Feuillade, la programmation a sélectionné trois œuvres[1] dont un film  écrit, produit et dirigé par l’actrice  en 1924, « La tierra de los toros » . Il est composé de cinq tableaux traitant de la corrida et a fait l’objet d’une superbe restauration.

Une belle occasion de chercher le lien entre ces personnalités et ce thème devenu sujet d’un film scénarisé qui porte un témoignage, certes court (49 minutes), mais riche sur l’objet de la passion taurine.

Tirer sur le fil de l’écheveau en parcourant le web m’a permis de mettre en perspectives des évènements, des coïncidences et des comportements jusque-là traités de manière isolée.

Il ne me semble utile, avant d’en venir au vif de mon sujet, à  l’inoubliable Musidoroa, comédienne, actrice, réalisatrice, scénariste, femme de lettres et amoureuse de l’Espagne, de planter le décor en rappelant comment le cinéma naissant s’est intéressé d’emblée à la corrida et puis de situer la riche personnalité de ce Louis Feuillade, grand aficionado, grand cinéaste, grand érudit, « inventeur » de la première des vamps.

Les débuts de la corrida au cinéma

Les premiers films mettant en scène la corrida correspondent aux premières applications des découvertes des frères Lumière. Le cinéma taurin a fait son apparition en France à Paris, lors d’une projection dans les sous-sols du Salon indien du grand Café en 1895, et en 1896 à Madrid où une équipe d’opérateurs de Louis Lumière a présenté ses films taurins.

Si la majorité des fictions taurines produites au cinéma ont été jugées secondaires (voire mauvaises) par la critique spécialisée, les documentaires et reportages sont considérés par les mêmes comme des références importantes, tant pour l’histoire de la tauromachie que pour celle du cinéma. La Cinémathèque française en possède un grand nombre, parmi lesquels le document des frères Lumière sur les premières écoles taurines.

Thierry Lecointe
Lecinématographe-Lumière dans les arènes

UBTF 2007 – Rares exemplaires encore disponibles

Les frères Lumière ont été les premiers à faire réaliser de courtes bandes d’inspiration taurine; parmi celles-ci, le torero Luis Mazzantini est présenté avec sa cuadrilla dans une bande tournée à Madrid en 1896 qui s’intitulait « Madrid arrivée des toreadors ». Puis ce sera cette même année « Course de taureaux ». En 1898, à Nîmes, douze bandes taurines ont été enregistrées par les opérateurs des frères Lumière, détaillant toutes les phases de la corrida depuis le transfert des taureaux aux arènes, jusqu’à l’arrastre.

La préhistoire du cinéma taurin français ne se limite pas aux productions des frères Lumière puisque dès 1908 la société Lux réalise un documentaire naturaliste « Course de taureaux à Séville » ; la même année, la Gaumont tourne « Corrida de taureaux en Espagne » avec Bombita, et les studios Raleigh « Corrida de Taureaux à Barcelone » en 1909. En 1911, la société Gaumont a encore produit « Carolino toreador » et Max Linder inaugure le genre comico-taurin avec « Max toréador ».

L’ancien critique taurin Louis Feuillade  devenu cinéaste, tourne en 1916 dans les arènes de Nîmes « Jolies passes du toréador Machaquito » et en 1914, il réalise en Espagne deux fictions taurines : « Les Fiancés de Séville » et « Le coffret de Tolède ». En 1916, il intercale des scènes taurines dans « Les Yeux qui fascinent », cinquième épisode de la série Les Vampires dont une partie avait déjà été tournée au moment de la déclaration de guerre.

En 1923, Henry Vorins adapte un texte de Théophile Gautier sur la corrida et il filme le matador Pedrucho[2]. Le document a un tel succès que Vorins produit l’année suivante un long métrage « Pedrucho ». La plupart des films tournés ensuite ont été taxés « d’espagnolades », c’est à dire de films sans grande valeur soit qu’il s’agisse de mélodrames larmoyants comme « Le Picador » de Jacquelux, soit de films burlesques comme « Arènes joyeuses » mis en scène par Karel Anton avec Alibert et Charpin comme acteurs.

Louis Feuillade

Louis Feuillade, né à Lunel le 19 février 1873, est issu d’une famille modeste. Son père est commissionnaire en vin. Sa famille, très pieuse, lui assure une instruction catholique qui se conclue en 1891, à l’Institut Religieux de Carcassonne, par l’obtention du baccalauréat. Le 31 octobre 1895, il épouse la jeune fille d’un marchand de fruits lunellois. De cette union naîtra une fille, Isabelle, dont il restera toujours très proche.

Jeune homme, Louis s’intéresse à la littérature et écrit de nombreux projets de drames et de vaudevilles. Il propose à la presse locale des poèmes assez médiocres mais c’est surtout grâce à ses articles passionnés sur la tauromachie qu’il construit localement sa réputation. Et c’est par l’intermédiaire de la tauromachie qu’il va rejoindre le cinéma.

En effet, passionné de cet art, il se fera connaître par ses chroniques taurines ; ces textes republiés sous le titre « Chroniques taurines, 1897-1907 »[3] mettent en exergue le militantisme actif de l’auteur. Il rédige également le feuilleton tauromachique intitulé : Mémoires d’un toréador français (éditions UBTF – 2005 – Quelques exemplaires encore disponibles).

C’est sa riposte à l’académicien Jules Lemaître[4], violent anti taurin, qui lui vaudra la reconnaissance du milieu aficionado parisien très actif en ce début de siècle. Sollicité par un autre aficionado et réalisateur cinématographique, Étienne Arnaud, il adhère au Toro-Club Parisien où il fait la connaissance d’André Heuzé, auteur dramatique, scénariste et, bien sûr, amateur de tauromachie lui aussi. C’est par ce dernier qu’il entre en contact avec le cinéma et rejoint la société Gaumont. Là, son imagination féconde lui vaut d’être engagé comme scénariste, et sa compétence technique le mène bientôt à la mise en scène. Ses ambitions tranchent sur les productions-standard de l’époque : « À l’encontre de beaucoup de producteurs de cinématographie d’art, écrit Feuillade en 1910, nous pensons que la science photographique nous est aussi indispensable pour traduire nos idées que la syntaxe est indispensable à l’écrivain ». Léon Gaumont le nomme directeur artistique et donc responsable des choix artistiques d’une compagnie cinématographique française dont l’ambition est de concurrencer la maison Pathé. En quelques mois tout va changer. Il écarte les bandes comiques et prend le risque d’un cinéma plus élaboré, amalgame d’émotions, de rires et de tensions mélodramatiques.

Le concurrent éternel, la maison Pathé, annonce la présentation française du film à épisodes «Les Mystères de New York», présenté sous forme de ciné-roman. Pour réagir il recherche l’actrice capable de rivaliser avec Pearl White: ce sera Jeanne Roques, alias Musidora (qui apparaît dans la série à partir du 3° épisode).
Plus conforme à la morale bourgeoise, «Judex», ciné-roman en 12 épisodes présentés en 1917, valorise le héros positif. Interprétés par René Cresté et Musidora, les protagonistes, Judex et Diana Monti, se disputent, pour des causes opposées, la fortune d’un banquier véreux.

Travailleur acharné, il va réaliser en vingt ans 800 courts et moyens métrages dont malheureusement plus des deux tiers ont aujourd’hui disparu. Il décède à 52 ans, le 26 février 1925, à Nice, des suites d’une péritonite, quelques jours à peine après avoir achevé «Le Stigmate».

Lunel, sa ville natale, a attribué son nom au centre culturel municipal.

Jeanne Roques dite Musidora (1889-1957)

Jeanne Roques est née à Paris le 23 février 1889 dans un milieu artistique et engagé : son père compositeur de musique est aussi théoricien socialiste, sa mère critique littéraire féministe et peintre. Très jeune elle exprime ses prédilections pour les arts en particulier la peinture, la sculpture, la danse ou encore la comédie ; elle monte sur les planches à l’âge de seize ans et prend pour nom de scène Musidora à la lecture du roman Fortunio de Théophile Gautier. Elle se produit dans diverses comédies, revues et surtout, aux alentours de 1905, dans une adaptation de Claudine à Paris, œuvre alors attribuée à Henry Gauthier-Villars, dit Willy, dont on apprendra plus tard qu’en réalité elle était l’œuvre, comme les autres Claudine, de Colette, son épouse d’alors.
Musidora la rencontrera par la suite et nouera avec elle une amitié durable. Colette la conseillera toute sa carrière pour en faire une actrice, et une femme de lettres. Elles resteront amies jusqu’à la mort de la romancière en 1954.

   Colette        

Musidora et le cinéma

En 1913, Musidora apparaît pour la première fois sur les écrans, dans « les misères de l’aiguille », un drame noir à caractère social produit par la société coopérative Cinéma du peuple. Un an plus tard, elle signe un contrat à long terme avec la compagnie Gaumont et, entre 1914 et 1916, joue dans plusieurs autres films, pour la plupart des comédies et des mélodrames.

Alors qu’elle travaille chez Gaumont, Musidora fait la connaissance de Louis Feuillade, l’un des premiers directeurs de la société, qui a réalisé la série très populaire des Fantômas (1913-1914). En 1915, ce cinéaste choisit Musidora pour incarner Irma Vep (anagramme du mot « vampire ») dans son chef-d’œuvre, « Les Vampires », un film en dix épisodes. Vêtue d’une combinaison noire moulante, Musidora fait sensation dans ce rôle de la femme fatale partenaire du Grand Vampire qui dirige une société secrète de brigands semant la terreur dans Paris. Première femme fatale du cinéma français à l’origine du personnage elle affiche une plastique irréprochable, de longs cheveux noirs, une peau très blanche rehaussée par un regard charbonneux souligné de kohl; ces canons font d’elle l’incarnation de la beauté moderne.

«Les Vampires» demeure la série désignée par les spécialistes comme marquant l’apogée de la carrière du maître Louis Feuillade.

Musidora devient alors tout naturellement une des muses des surréalistes ; Louis Aragon et André Breton écrivent en 1929, « Le Trésor des Jésuites »[5], une pièce lui rendant hommage où tous les noms des personnages sont des anagrammes de Musidora : Mad Souri, Doramusi … C’est avec ce film que MUSIDORA inaugure une longue lignée de beautés fatales, que l’on appela “Vamp”. La figure de Diana Monti, l’aventurière dans le film “Judex” de Louis Feuillade, consacre son talent.

Voir, ci-après, une très brève vidéo diffusée par l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), en 1957, lors de la mort de l’artiste ; nous y trouvons, durant 54 secondes, quelques émouvantes images qui magnifient l’apparition de la première vamp de l’histoire du cinéma, aux alentours de 1916, et nous restituent l’inoubliable visage de la redoutable ennemie du justicier, Judex :

Ensuite Musidora crée sa propre maison de production “La Société des Films Musidora”. Elle va réaliser plusieurs films, dans lesquelles elle assumera la réalisation, l’adaptation, et l’interprétation. Seul, “La flamme cachée” sur un scénario de Colette, remporte un certain succès.

Musidora en Espagne

La capitana Alegria

Déçue par l’accueil relativement tiède de ses productions et l’échec de sa tentative, de tourner “Les Chouans” d’après Balzac, elle s’installe en Espagne pour plusieurs années.  En 1920, elle joue dans «Pour Don Carlos» le rôle de la capitana Alegria.
Ce film, qu’elle co-réalise avec Jean Lasseyne, est l’adaptation d’un roman de Pierre Benoit paru en 1920. Roman inspiré de c
ette période troublée de l’histoire de l’Espagne qui débuta en 1830, année au cours de laquelle le roi d’Espagne Ferdinand VII modifia en faveur de sa fille Isabelle II, et au détriment de son frère don Carlos et de ses descendants, l’ordre de succession à la couronne.
Un jeune sous-préfet, Olivier de Préneste, est nommé en décembre 1875 dans les basses Pyrénées. Dès son arrivée, il se trouve embarqué dans les rivalités qui opposent les partisans des descendants du prétendant au trône d’Espagne Charles de Bourbon,  Charles V, avec le pouvoir en place incarné par Alphonse XII. Il tombe dans un piège monté par Alegria Detchart, l’égérie de l’insurrection carliste. Il se rallie à la cause carliste avec sa fiancée. Faits prisonniers et condamnés à mort, ils sont sauvés par Alegria qui se sacrifie pour eux. 
Un an de travail et un coût élevé débouchent sur une première version de près de trois heures ; objet de coupures importantes pour le rendre exploitable. Mais le film sera un échec. 
Tout n’est pas perdu puisque, durant le tournage de ce film, Musidora fait la connaissance du torero à cheval, Antonio Cañero ; un évènement d’ordre personnel mais qui influencera et relancera momentanément sa carrière cinématographique et son aficion taurine.

Antonio Cañero, une passion torride

Né à Cordoue, le 1er janvier 1885 et décédé dans cette même ville le 21 février 1952 à l’âge de 67 ans, Antonio Cañero Baena est un rejoneador espagnol. Il est à l’origine de la renaissance dans son pays de la corrida à cheval longtemps délaissée au profit de la corrida à pied. Antonio Cañero était le fils d’un commandant professeur d’équitation. Il devint à son tour professeur d’équitation dans l’armée, puis capitaine de cavalerie. C’est à la suite du triomphe qu’il obtint à Madrid le 14 octobre 1921 au cours d’une corrida de bienfaisance qu’il décida de devenir professionnel.

Avant cela, il avait participé à de nombreux concours équestres et remporté des prix en France, en Espagne et au Portugal. Mais ses débuts dans la tauromachie remontent à l’année 1913 où on signale sa présence comme torero à pied dans des festivals taurins. Ses véritables débuts de rejoneador professionnel datent du 2 septembre 1923. Après la guerre, période où il reprendra la carrière avec le grade de commandant, il va vivre sur la propriété agricole de Fuente la Viñuela et s’intègre parfaitement à la vie civile de Cordoue et deviendra conseiller municipal. Son nom restera attaché aux initiatives d’ordre social qu’il engagera tel le quartier Cañero offrant des logements pour les familles modestes.

Le monde de la tauromachie lui doit une véritable renaissance de la tauromachie à cheval qu’il a codifiée. Cependant, cette forme de combat s’éteint avec lui. Il faudra attendre l’arrivée d’Alvaro Domecq Diez et de Conchita Cintron pour que la corrida de rejón retrouve son panache et les faveurs du public. C’est en effet Antonio Cañero qui a eu l’idée de se passer d’un novillero pour la mise à mort du taureau. Il a mis pied à terre avec la muleta et a affronté directement l’animal. Il est donc le créateur d’un genre qui fut accueilli très favorablement. Il a également mis au point le costume de campo désormais adopté par les rejoneadors et posé les premières banderilles courtes dénommées « roses ». Le 1er novembre 1925 il se produit à Paris dans un spectacle équestre. Mais sa notoriété décroit assez rapidement en Europe. Après une blessure à Bilbao, il tente, mais sans succès, de relancer la mise à mort du taureau en public au Portugal où cette pratique était en principe interdite. Après un triomphe sans précédent à Mexico en 1927, il torée de moins en moins jusqu’en 1935, date à laquelle il se retire des arènes.

Musidora et la corrida

Amoureuse d’Antonio Cañero, elle recourt à ses services en qualité de conseiller artistique et acteur lors du tournage du film « Sol y Sombra » dont elle est la productrice, la réalisatrice et l’actrice principale. Dans cette tragédie tournée en 1922 à Tolède et en Andalousie, une brune servante d’auberge, Juana, est fiancée à Antonio, un torero qui se laisse séduire par une blonde étrangère. Juana se confie à un antiquaire bossu qui l’aime désespérément. Antonio est tué lors d’une corrida. Juana, désespérée, poignarde alors sa rivale. Le bossu conduit la jeune assassine dans un couvent.

La brune  Juana La blonde étrangère

Il est à remarquer que Musidora joue les deux rôles, celui de Juana, la brune servante, et celui de la rivale blonde étrangère. Ne faudrait-il y voir la volonté, plus ou mois consciente, de celle qui ne joue pas là des rôles de composition, de circonscrire complètement et jalousement l’être aimé ?
A l’occasion de ce film Alphonse XIII déclarera : “Une Française a fait là un film absolument espagnol et dans l’esprit espagnol”. Ce film passe inaperçu à Paris.

En cours de tournage la comédienne fut bousculée par un taureau, ce qui ne l’empêcha pas de revenir en 1923 pour réaliser « La Terre des taureaux », un documentaire sur la vie des élevages. Cet avant-dernier film  « La Tierra de los Toros », dont l’exploitation n’eut lieu qu’en Espagne, est conçu pour s’incorporer dans un spectacle où Musidora intervenait en personne pour chanter et danser. Ce documentaire est composé de cinq tableaux :1. La vie d’un ganadero, la veille d’une corrida. 2. La corrida, le rejoneador. 3. La laide. 4. Métamorphose. 5. Epilogue ; s’il est scénarisé il n’est pas incorrect d’affirmer que la trame du film est largement inspirée de l’aventure personnelle que vivaient alors les deux acteurs  mis en scène, « à la ville comme à l’écran » en quelque sorte.

Durant son séjour dans la péninsule ibérique  elle a tourné aussi, en 1922 : « Une aventure de Musidora en Espagne ». Ces films ne lui apportèrent pas la fortune, ni même la gloire et, la quarantaine aidant, ils signent au contraire la fin de sa carrière cinématographique à l’heure de l’émergence du cinéma parlant et de la nouvelle silhouette de l’héroïne qu’il induit.

Les 25 dernières années

De retour à Paris en 1926 après les années passées en Espagne, elle fait sa dernière apparition au cinéma dans une fresque religieuse «Le berceau de dieu». Après son mariage en 1927 avec le médecin Clément Marot, un ami d’enfance dont elle aura un fils (ils divorceront en 1944), Musidora s’éloigne du 7° Art et se consacre essentiellement au théâtre jusqu’au début des années cinquante. Femme de lettres, elle écrit deux romans (Arabella et Arlequin en 1928 et Paroxysmes en 1934), un recueil de poésies, des chansons et une trentaine de pièces. Après la réalisation d’un ultime court-métrage en 1950 « La magique image », elle termine sa carrière auprès d’Henri Langlois à la Cinémathèque Française aux fonctions de responsable du service presse et documentation. La muse et première vamp du cinéma français meurt le 7 décembre 1957, à l’Hôpital Broussais de Paris.

Tranche de vie

Le hasard provoque la rencontre de personnes qui deviennent de vrais personnages chacune dans son propre domaine: la mythique femme fatale du cinéma muet, le réalisateur prolixe et l’icône du rejon. La corrida sera le seul point d’ancrage qui les rapproche par amour ou par passion. Cela pourrait être le prétexte d’un film avec pour décor  la Belle Epoque et l’ambiance colorée de la péninsule ibérique. 

Synopsis : LF, un aficionado a los toros et militant de la cause, écrit « l’article » qu’il fallait avoir écrit en réponse à l’article violemment anti taurin de  l’académicien Jules Lemaître en pleine polémique relancée par la loi Bertrand interdisant les courses de taureaux sur l’ensemble du territoire français ; dans un club taurin parisien, il rencontre l’homme qui l’introduit dans le mundillo du cinéma. Devenu directeur artistique de la Gaumont, il découvre en M l’actrice à la plastique irréprochable dont il fait la première vamp de l’histoire du cinéma. Ont-ils parlé taureaux? Il reste que M s’installera en Espagne où, si elle poursuit sa carrière de productrice, scénariste, réalisatrice et actrice, elle séduit AC connu pour avoir inventé la corrida à cheval de l’époque moderne.

La fin du scénario moins romanesque est plus difficile à envisager cinématographiquement : de retour à Paris après une rupture sentimentale, un échec commercial et le décès de LF, M rentre dans le rang; elle adopte alors une vie bourgeoise et se réoriente vers l’écriture…..

Voilà  toutefois « une tranche de vie » intéressante où les évènements semblent s’enchainer avec évidence et facilité, mais last but not the least, cet aboutissement coïncide aussi avec l’avènement du parlant qui provoque un changement de paradigme et en conséquence le changement des faiseurs de cinéma. D’autres destins, d’autres rencontres, d’autres aventures suivront…

Superbe autoportrait

Bibliographie sommaire :

A l’issue d’une restitution d’informations glanées çà et là, la lecture de quelques ouvrages peut permettre d’aller plus loin dans la connaissance des parcours de ces trois destins ayant vécu dans un environnement où la tauromachie occupait une place significative de la vie sociale.

Francis Lacassin « Musidora » Anthologie du cinéma, tome VI

Francis Lacassin, Louis Feuillade, Anthologie du Cinéma tome II

Francis Lacassin (présentation), Louis Feuillade, Éditions Seghers, collection « Cinéma d’Aujourd’hui », 1964

Robert Bérard, Histoire et dictionnaire de la Tauromachie, Paris, Bouquins Laffont, 2003

Auguste Lafront, Encyclopédie de la Corrida, Paris, Prisma Laffont, 1950

Louis Feuillade – Chroniques taurines 1897-1907 – Editions Cinésud, 1988

Louis Feuillade – Mémoires d’un toréador français – Editions UBTF, 1995

Georges Sadoul –  Histoire générale du cinéma

Thierry Lecointe – Le cinématographe – Lumières dans les arènes – Editions UBTF – 2007



[1]Cette sélection comportait :
– « Lagourdette, gentleman cambrioleur » de Louis Feuillade – 1915
– « Le tierra de los toros » de Musidora – 1924
– « Triple entente » de Gaston Ravel – 1915 

[2]Le basque, Pedro Basauri PaguagaPedrucho” (1893 – 1973) fut à la fois torero célèbre et acteur de cinéma dans les premières années du XX° siècle.

[3]“Chroniques Taurines 1899 – 1907” Imprimerie Notre Dame – Nîmes 1988
Préface Jacques Champreux, petit-fils de l’auteur, présentation de LF par Etienne Arnaud texte de 1904, introduction par Bernard Bastide

[4]NDLR : Le 8 octobre 1899, aux arènes de Deuil à Enghien, Félix Robert est au cartel. Un taureau saute la barrière et part dans les champs avant d’être abattu dans des vignes.

Jules Lemaître
Louis Feuillade

Au lendemain de cette méchante affaire, Jules Lemaître, de l’Académie française, écrit dans « L’Écho de Paris » un article anti-taurin virulent, intitulé “Bravo, toro”, qui peut se lire ici.
Avec verve et humour, Louis Feuillade, réplique dans « Le journal des sports » du 15 octobre par un article intitulé «Hystériques, Cabotins et drôles » à lire ici. Les arguments de Feuillade n’ont pas pris une ride.

                                                                                                                                               
[5] Lire ici une page de “Les cinéastes français à l’épreuve du genre fantastique” de Frédéric Gimello-Mesplomb