Observatoire National des Cultures Taurines

Observatoire National
des Cultures Taurines

Reynald Ottenhof, Professeur émérite à l’Université de Nantes, Président de la Commission juridique de l’Observatoire National des Cultures Taurines, Président de Juris Afición, Directeur de la revue internationale de droit pénal, Vice-président de l’Institut supérieur international de sciences criminelles, rappelle ici ce que la poursuite de la corrida en Gironde doit à l’exemplaire aficionado Claude Mounic.

C’est la précieuse relation d’un épisode flamboyant de l’histoire taurine de notre pays. C’est aussi, par ses références aux décisions de justice qui l’ont marquée, un apport intéressant à la connaissance de l’évolution de la jurisprudence qui, quelques années plus tard, a continué à prospérer, en Haute-Garonne cette fois-ci, au profit de notre fiesta taurine.

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Le retour de la tradition tauromachique en Gironde

 

La tradition tauromachique à Bordeaux et dans la région remonte à des temps très anciens.

– Dès l’antiquité, on note l’existence de jeux du cirque romain dans le Palais Gallien.

– Au XVIIIème siècle, à l’emplacement de l’actuelle rue de la Course, on signale l’existence d’arènes dans lesquelles se déroulent des spectacles taurins.

– Au XIXème siècle, on relève l’existence d’arènes à Talence, Mérignac, Caudéran et à Bordeaux, rue de la Benatte (jusqu’en 1914).

– Au XXème siècle, des corridas accueillant des toreros de premier plan se déroulent dans les arènes du Bouscat à partir de 1921, jusqu’à l’effondrement d’une partie de celles-ci en 1961. 
Des arènes sont construites à Floirac en 1987, accueillant une première corrida le 15 mai 1988. Leur fermeture intervient en 2006.

 

I – Le combat héroïque de Claude Mounic

Le retour de la corrida en Gironde, à partir des années 1980, est intimement lié au combat juridique et judiciaire mené de façon exemplaire par Claude Mounic, un aficionado de Salleboeuf, dont la vie est un véritable roman.[1] 

– 1980 : Claude Mounic entreprend la construction d’uneplacita sur son domaine de Patène, où viennent s’entraîner des novilleros.

– 1981 : naissance du Club taurin Goya, dont Cl. Mounic assure toujours la présidence, avec « pour seul et unique objectif : la réimplantation de la corrida à Bordeaux ».

– 17 octobre 1982 : Didier Godin estoque un novillo d’Angel Ruiz dans la placita.

– T.A. de Bordeaux, 27 octobre 1983 : annule la décision d’interdiction du Préfet de la Gironde, en date du 22 avril, en considérant que la capea que se proposait d’organiser Cl. Mounic « ne constituait pas une atteinte à l’ordre public ».

A la suite de ce jugement, le T.A. de Bordeaux condamne, le 16 janvier 1986, l’Etat à verser 15 000 F. de dommages et intérêts au Cercle Taurin Goya, pour préjudice causé à raison de l’arrêté du Préfet ayant interdit l’organisation de cette capea.

– 8 mars 1986 : organisation d’une becerrada au domaine de Patène, avec Roberto Bermero.

– T.A. Bordeaux, 2° ch., 23 octobre 1986, annule l’arrêté du Maire de Salleboeuf ayant refusé le permis de construire sollicité par Cl. Mounic pour la construction d’une arène sur son domaine.

– 25-26 octobre 1986 : manifestation tauromachique organisée par le Cercle Taurin Goya en vue de lancer « un appel à la tolérance, la tauromachie étant avant tout une culture ».

– T.A. Bordeaux, 10 mars 1987, annule un arrêté du Préfet interdisant « d’organiser sur l’ensemble du territoire de la Gironde des courses de taureaux avec mise à mort, et soumettant à autorisation les courses landaises, les courses à la cocarde, et les spectacles avec la présence de taureaux sans mise à mort et sans pose de banderilles ou de tout autre accessoire contondant ».

– 19 juillet 1987 : l’Association Juris Aficion décerne sa médaille à Claude Mounic « pour son action exemplaire en faveur de la défense de la tauromachie en Gironde ».

– 23-24-25 octobre 1987 : 71ème Congrès de la FSTF, organisé par Claude Mounic.

– 25 octobre 1987 : grande corrida à Floirac, sous la protection d’importantes forces de police, chargées de contenir les manifestants anti-corrida, dont l’action violente avait donné lieu à des actes de vandalisme et de profanation dans la Cathédrale Saint André de Bordeaux.

– 8-9 octobre 1988 : création par Claude Mounic de la Fédération Européenne de Tauromachie (JO du 1er févr. 1989).

– Bordeaux, ch. Acc. 11 juillet 1989, valide l’organisation de corridas à Floirac (V. ci-dessous). Cette décision marque le couronnement du combat de Claude Mounic pour le retour de la corrida en Gironde.

II – Les décisions judiciaires marquantes

Outre les étapes marquantes, dont la mise en œuvre conduite par Claude Mounic, vient d’être retracée (v. supra I), on relèvera les décisions judiciaires qui ont marqué la reconnaissance de la tradition taurine en Gironde.

– Bordeaux, 29 oct. 1968 (J.C.P. 1969, II, 15888), valide l’organisation d’une novillada à Captieux, dont les arènes avaient été incendiées quelques années auparavant.

– T.G.I. Bordeaux (référé), 21 oct. 1987, se déclare incompétent pour dire si la tradition tauromachique bordelaise avait ou non été interrompue.

– Trib. corr. Bordeaux, 27 avril 1989 : considère que l’écoulement d’un délai de 26 ans depuis l’effondrement des arènes du Bouscat suffit à attester l’interruption de la tradition.

– Bordeaux, ch. Accus., 11 juill. 1989, considère au contraire que l’interruption ne peut résulter d’un fait matériel et fortuit (effondrement des arènes du Bouscat) et qu’elle conséquence « la permanence et la persistance du goût de l’ensemble démographique bordelaispour la corrida sont établies ».

Voir le texte de ces deux décisions in Sem. Jurid. (éd. G.), 1er nov. 1989, II, 21344 et le commentaire très complet d’Eric Agostini).

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Depuis ces épisodes marquants, la tauromachie a retrouvé une place éminente en Gironde. De nouvelles arènes ont été ouvertes (p. ex. à Labrède) et des spectacles taurins ne cessent de se développer.

Nombreuses sont aujourd’hui les associations taurines, peñas, cercles taurins, etc… mobilisant un grand nombre d’aficionados, qui contribuent à faire vivre en Gironde la tradition taurine. On citera à titre d’exemple l’association « Pour une Tauromachie Authentique 33 », présidée par Philippe Vignau, secrétaire général de l’Observatoire des Cultures Taurines (ONCT) qui milite de façon active pour l’aménagement, à Bordeaux ou dans sa proche banlieue, d’un espace permettant l’organisation de spectacles taurins. Un appel en ce sens, intitulé « Bordeaux ville taurine » a été lancé le 20 juin 2012 par l’ensemble des associations d’aficionados girondins.



[1] V. sur ce point : Cl. Mounic, Homme de la terre et patriote, en vente chez l’auteur, 11 av. de l’Entre Deux Mers, 33370 Salleboeuf (claude.mounic@orange.fr). V. l’excellent commentaire de J.J. Dhomps, sur le site internet de la FSTF.