Observatoire National des Cultures Taurines

Observatoire National
des Cultures Taurines

Le n° 50 d’avril 2014, de « TERRES TAURINES »[1], excellente revue bimestrielle éditée par André Viard, renferme un passionnant dossier intitulé « Tauromachies pariétales ». Y sont distinguées, commentées et rapprochées trois œuvres essentielles de l’art pariétal périgourdin ou angoumois qui s’inscrivent dans l’intervalle allant de –20000 à -17000. Elles sont les seules parmi l’ensemble de la production mondiale qui leur est contemporaine, étalée pourtant sur trois millénaires, à représenter une scène dynamique entre un homme et un aurochs.

Il s’agit dans l’ordre chronologique et en empruntant la terminologie du grand préhistorien Leroi-Gourhan, de :

« L’homme chargé par un bison » à Villars 

« L’homme poursuivi par un bison » au Roc de Sers  

« L’homme frappé par un bison » à Lascaux.

À ces trois manifestations de l’art pariétal, Leroi-Gourhan ajoute l’homme renversé par un bison, sculpté sur un propulseur en bois de renne trouvé à la Laugerie :

Il est remarquable que ces manifestations tout à fait originales de l’art préhistorique se circonscrivent dans une petite région qui correspond en gros à notre actuelle Dordogne. Il est permis d’imaginer que là, durant ces millénaires qui sont allés du Solutréen au Magdalénien, s’est perpétuée une relation entre l’homme et l’aurochs qui essaima par la suite sur tout le pourtour méditerranéen pour trouver des échos dans les fresques de Cnossos, Mithra et toutes les tauromachies qui s’ensuivirent jusqu’aux actuelles.

C’est, bien hâtivement résumée, la thèse qui est développée dans cette passionnante étude.

Comme tout ce que fait André Viard, c’est parfaitement documenté et superbement illustré. Les opinions de Gilles et Brigitte Deluc, grands spécialistes de Lascaux, sont requises. Ils décrivent mais se refusent à interpréter. Toutefois ils admettent comme leur maître Leroi-Gourhan, que l’art préhistorique pariétal témoigne sinon de religions, au moins de rituels et que les grottes qui les renferment peuvent se comparer à des cathédrales. À Villars et à Lascaux, la figure humaine défiant le bovin est représentée dans les endroits les plus inaccessibles du sanctuaire, dans un puits à Lascaux, comme s’il s’agissait d’un bien précieux à protéger dans des tabernacles, comme si ce lien d’admiration-compétition que l’homme établissait avec le taureau était à sacraliser.

L’argumentation que Georges Charrière[2] a développée en 1968 dans « La Revue de l’histoire des religions » est sans ambiguïté. Pour lui, comme pour André Viard, les scènes « homme et taureau » représentées à Villars, Roc de Sers, et Lascaux sont des tauromachies premières.

Voilà qui ancre dans notre préhistoire ce patrimoine culturel immatériel français.

 

Jean-Jacques Dhomps

 


[1] Comment se procurer « TERRES TAURINES »

[2] Georges Charrière, en 1968 dans “La revue de l’histoire des religions” n°174-1, publiée par le Collège de France :

« Curieusement il existe d’ailleurs, dans l’art paléolithique, un thème du bison chargeant et de l’homme chargé qui est l’un des rares où la bête et l’homme interviennent dans une même action, avec leurs formes propres. La plus troublante figuration est une peinture de la grotte de Villars (Dordogne) où un homme, face au bison qui le charge comme au Puits de Lascaux, c’est-à-dire tête baissée et fouettant de la queue, fait face à la bête avec une allure de matador, agitant peut-être de la main droite quelque cape ou leurre qui détournera la hargne de l’animal.

A cette première figure, qui serait classique dans la tauromachie, s’ajoute la sculpture du Roc de Sers où l’homme pourchassé par le bovidé évoque encore quelque cliché de l’arène, soit la parade habile d’un déhanchement qui esquive, soit au contraire l’imminent et peu glorieux encornement de son postérieur. »

 

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