Observatoire National des Cultures Taurines

Observatoire National
des Cultures Taurines

     Depuis 35 ans, une association discrète regroupe de bien curieux passionnés conjuguant  afición a los toros et amour des livres. Une belle longévité et pourtant, cette association faillit ne point voir le jour.

     En 1976, une poignée d’aficionados* tente de fonder une société de bibliophiles ; en effet, ils ne se consolent pas de la léthargie qui a saisi, en Espagne, la Unión de Bibliófilos Taurinos à laquelle ils adhèrent  depuis quelques années ; ils verraient bien une Union à la française, il y a tant à faire, à éditer. C’est un flop, une petite trentaine de candidats se manifestent, il en faudrait cent pour que l’idée soit jouable.

     Mais, un an plus tard, une seconde tentative est lancée et c’est la bonne ;  probablement alléchés par le projet de corpus des histoires taurines locales, les cent adhérents enthousiastes  sont réunis en moins de six semaines ; dès lors le projet est viable,  avec, il est vrai, une base de recrutement relevant du mécénat : des cent membres, les 40 premiers seront dits « Privilégiés », le privilège consistant à  acquitter une cotisation cinq fois plus forte que  pour les autres actifs afin lancer la machine et maintenir son régime ; le privilège fut aboli en 1985.

     Donc, le 3 avril 1977, dans la bonne ville de Saint-Gilles, l’UBTF voit le jour ; elle se fixe comme but essentiel de publier en tirage limité et avec les caractéristiques matérielles habituelles aux livres de bibliophilie, des œuvres réunissant les conditions (érudition, intérêt, rareté) qui justifient leur édition ou leur réimpression  en langue française.

Cette ligne éditoriale se déclinera en trois axes :

– un bulletin interne, semestriel,  la Gazette,

– une série de monographies sur l’histoire des villes taurines françaises,

– des ouvrages épuisés et rares, des textes littéraires peu connus, des biographies de toreros français ou leurs souvenirs, les chroniques et écrits de revisteros qui firent autorités à leur époque.

Vaste programme !

     35 ans après, on peut affirmer que l’association a rempli ses objectifs ; qu’on en juge : parmi les 60 titres publiés, on recense 26 histoires taurines locales ; presque toutes les villes taurines de tradition vivante ou interrompue y figurent : Alès, Arles, Bayonne, Beaucaire, Béziers, Bordeaux Céret , Dax , Le Grau du Roi,  Lunel, Marseille, , Montpellier, Nantes, Nîmes, Parentis, Perpignan, Roquefort, , Tarascon, Toulouse,  Vichy, Vic-Fezensac,…  sans oublier l’Italie ou le Maghreb français.

Le catalogue contient aussi des biographies (El Gallo, Guerrita, Gallito, Dominguin, le Dictionnaire des Toreros français,…) des textes littéraires (Gautier, Feuillade, Batalla,…), des essais, des ouvrages historiques (La Fiesta vue par les voyageurs étrangers, la Tauromachie par le droit, Bons baisers des arènes : cartes postales remarquables,…) et de précieux outils bibliographiques (Presse taurine française, Dictionnaire Pertus, …).

     La toute petite entreprise éditoriale occupe un créneau étroit avec des ouvrages très spécialisés qu’un éditeur commercial ne songerait à publier. Imaginez : consacrer un volume de plus de 180 pages pour retracer 20 ans de corridas à…Roubaix, Nantes, Lyon ou  Le Havre , ou un autre aussi épais pour raconter 3 années (1896-1899) de Cinématographe Lumière dans les arènes détaillées par un spécialiste du cinéma des origines !!

    La Gazette, quant à elle, a atteint son 51e  numéro avec plus de 500 articles traitant, forcément, des sujets les plus pointus, curieux ou érudits ; elle fait office de bibliographie courante en listant, chaque année, les publications taurines de France et d’Espagne et recueille les communications des colloques maison. La Gazette, ne la cherchez pas dans les librairies spécialisées, cette publication, qui tient plus de la revue historique ou littéraire que du bulletin interne d’une association, est hors commerce ; réservée aux sociétaires, c’est leur privilège.

 Un éclaircissement : qu’en est-il  de la bibliophilie inscrite dans les statuts ? En regroupant des  aficionados amoureux des livres, l’Union entendait publier des livres bien faits, d’un contenu relevé et imprimés avec soin ; car, éditer des ouvrages répondant à la haute bibliophilie ou à l’édition de luxe (tirage limité, sur grands papiers, procédés d’illustration nobles,…), reconnaissons que cela est hors de notre portée.

De fait, l’association s’en tient au livre traditionnel imprimé avec soin artisanal et ce grâce à l’imprimerie de la famille Barnier (qui imprimait la revue Toros) ; pendant 30 ans, elle sera notre imprimeur exclusif sortant  des livres sages ; certains disaient austères ; la couleur est inconnue et la typo sans surprise : ah ! L’incontournable, l’inoxydable (certes élégant) caractère « Vendôme » !  Mais, honneur du typographe, les coquilles sont rares, pour ne pas dire absentes, dans le composteur.

   Et puis un jour, la typographie disparut au profit de l’offset, le prote s’est fait infographe. Adieu l’odeur tenace de l’encre grasse,  les cliquetis de l’Original Heidelberg,  place à Internet, à XPress et à la Cameron. L’UBTF s’est adaptée et, comme les évolutions de l’imprimerie n’ont pas que des inconvénients, les livres, mieux illustrés, ont pris des couleurs. De bonne facture, ils peuvent rivaliser avec des ouvrages de librairies car l’équipe  dirigeante tente   la gageure d’allier des  moyens d’amateurs au sérieux professionnel.

      Critère de succès (?), au fil des ans, l’UBTF élargit son audience ;  une liste de postulants est dressée, l’attente est parfois longue ; des légendes circulent sur les difficultés d’entrer dans le « docte cénacle » : posséder une bibliothèque taurine de x centaines de livre, un examen d’entrée, « C’est l’Académie française : il faut attendre le décès d’un membre pour qu’un fauteuil se libère ! » ; ce ne sont que fantasmes,  même s’il est vrai que les dirigeants souhaitent une adhésion quasi militante, et non consumériste, à l’objet social : partager le goût pour la culture taurine livresque et soutenir l’édition d’ouvrages très spécialisés.

     Sous la pression de la demande, le numerus clausus passera à 120 puis 130 et 150 pour se stabiliser, actuellement, à 160 ; les socios sont issus en grande majorité du midi de la France (une vingtaine, tout de même, résident au nord de la Loire), mais on dénombre aussi des espagnols, des étatsuniens, des mexicains et… une suissesse.

 

     Sensible à la tradition, mais pas pour autant passéiste, l’UBTF sait aussi  innover : afin d’alimenter la Gazette en articles et animer les assemblées générales, souvent rébarbatives, elle a imaginé de susciter chez les sociétaires des recherches  dont le fruit est exposé lors des colloques biennaux ;  le sixième doit se tenir en fin d’année 2012.

     L’apport de l’UBTF à la littérature taurine est considérable et elle a encore beaucoup de projets dans ses cartons ; souhaitons-lui longue vie…. tant qu’il y aura des livres.

                                                               Jacques DALQUIER.

 

*A. Lafront, P. Casanova, P. Dupuy, J.L. Lopez, J. Thome, M. Thorel.

 

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Pour en savoir plus : association hébergée par torofstf.com

Courrriel : ubtf@orange.fr